La plupart des feuillus en bonsai sont formés à l’aide de la technique du clip and grow, permettant d’obtenir des troncs massif avec des formes douces. Au débuts du bonsai, lorsque l’utilisation de la ligature n’était pas devenue la norme, de nombreux arbres ont été ainsi formés, uniquement par la taille.
Mais c’est une technique qui n’est pas si simple à maitriser. Il faut souvent des dizaines d’années avant d’obtenir un bonsai qui soit présentable en exposition, mais le résultat est la plupart du temps bluffant, avec un rendu très naturel.
Qu’est-ce que la technique du clip and grow ?
Pour répondre à cette questions, il faut tout d’abord revenir aux fondamentaux de l’esthétique du bonsai. Ce que l’on recherche à avoir, c’est :
- Un tronc avec une belle conicité, c’est-à-dire qu’il doit être massif à la base et devenir régulièrement de plus en plus fin lorsque vous remontez vers la cime ;
- Le tronc doit avoir un léger mouvement, sauf si vous recherchez à former un bonsai strictement droit (le style droit formel, ou CHOKKAN)
- Les branches basses doivent être plus grosses que les branches du sommet, et avoir elles aussi de la conicité et un léger mouvement.
Ce sont ces éléments qui, en partie, donnent l’impression d’avoir un vieil arbre devant soi, avec un aspect naturel.
Imaginez maintenant que vous avez un jeu plant avec lequel vous désirez créer un bonsai. Le tronc est généralement fin (par rapport à la hauteur de l’arbre), il manque de conicité et ressemble plus à un piquet bien droit. Il donne l’image d’un arbre jeune, et pas celle de cet arbre vénérable qui a traversé les décennies.
Il va donc falloir faire grossir ce jeune plant, et le travailler régulièrement pour lui donner cette conicité recherchée. La technique du clip and grow va nous y aider.
Le principe du clip and grow et de laisser pousser librement votre arbre afin de le faire grossir, puis le tailler sévèrement pour l’obliger à émettre de nouveaux bourgeons, qui donneront la continuité du tronc et des branches.
Dans quel cas l’utiliser cette technique ?
Pour bien comprendre le clip and grow, il faut comprendre comment grossit un arbre. Lorsque vous taillez les rameaux de l’année (c’est-à-dire que vous faites la taille d’entretien), vous bloquez la croissance (voir : comment tailler un bonsai).
Au contraire, si vous laissez pousser, le tronc (ou la branche) va s’allonger et développer beaucoup de feuillage. Les feuilles vont produire de l’énergie (par photosynthèse) qui servira à créer de nouveaux tissus. On parle alors de « tire sève ».
Vous allez d’abord voir ce tire sève s’allonger et lorsqu’il va se lignifier (se transformer de tissus vert en bois), son diamètre va augmenter. Plus vous laissez pousser, plus il va y avoir de feuillage, et plus le tire sève va grossir.
La technique fonctionne d’autant mieux que votre arbre est cultivé dans un grand pot, voir en pleine terre. Tout ce qui se passe en haut, se passe aussi en bas, et inversement. L’augmentation massive du feuillage va stimuler l’apparition de racines, et inversement.
Il ne faut pas avoir peur de laisser pousser, même si le tire sève devient très long. Au Japon, il n’est pas rare de voir des pépiniéristes laisser tiger sur plus d’un mètre de haut. Par contre, cela peut poser des problèmes de stabilité du bonsai et de prise au vent. N’hésitez pas, au besoin, à attacher le tire sève s’il monte trop haut.
A partir de quel diamètre faut-il tailler ?
Lorsque vous laissez pousser le tronc ou les branches, vous allez vous retrouver avec de longues tiges, mais quand faut-il les tailler ? Nous voyons souvent des amateurs couper à la fin de l’automne, au moment de la taille de structure. En fait, il faut plutôt tailler en fonction de l’objectif à atteindre.
Si vous avez un jeune plant dont le diamètre du tronc fait 1 centimètre et que vous voulez qu’il en fasse 10 à la base, il sera plus judicieux de laisser pousser 1 an de plus, voir 2 avant de le rabattre.
Même si ce n’est pas une règle absolue, nous vous conseillons de laisser tiger jusqu’à obtenir la moitié du diamètre souhaité. C’est-à-dire que si vous désirez un tronc avec une base de 6 centimètres, ne coupez pas avant d’avoir atteint 3 centimètres.
L’arbre continuera à s’apaissir lorsque vous le laisserez tiger à nouveau.
La taille se fera pendant l’hiver, pendant la période de dormance, en mettant du mastic au niveau de la coupe pour améliorer la cicatrisation (nous y reviendrons). Soyez conscients qu’au delà de 3 centimètres, la cicatrisation complète d’une coupe devient plus compliquée et va prendre des années.
Au printemps suivant, de nombreux bourgeons vont apparaitre sur le tronc. Vous devrez alors en sélectionner un pour assurer la continuité du tronc, et éventuellement pour former les futur branches charpentières.
Conseils de la pépinière :
- Conservez toujours 2 rameaux pour assurer la continuité. Quand ils se seront développés sur quelques centimètres, gardez en un seul. Cela permet d’avoir une « roue de secours » au cas où l’un des deux viendrait à sécher et mourrir ;
- Quand il s’agit d’une branche, conservez de préférence un rameau sur le dessous ou le coté, et pas sur le dessus, car il poussera rapidement à la verticale, ce qui ne sera pas esthétique. Un rameau qui émerge du dessous fera une courbe pour remonter, donnera du mouvement et sera plus naturel ;
- Posez une fine ligature (un peu lâche, sans serrer) afin de guider le rameau dans la bonne direction. Si c’est la futur tête, orientez-le vers le haut ; si c’est une branche, faites en sorte que son départ soit à l’horizontale, ce sera plus esthétique.
Lorsque vous taillez le tire sève, le rameau qui va être utilisé pour assurer la continuité ne sera pas exactement dans le prolongement (du tronc ou de la branche). Et ne cherchez surtout pas à créer des tubes bien droits. Au contraire, un angle de pousse différent va donner du mouvement au tronc ou à la branche.
Taillez toujours un peu de dessus de là où vous voulez avoir des bourgeons, car suivant les essences il n’y a pas forcément des bourgeons latents sur tout le tronc. Avec un orme de Chine, vous en aurez très certainement juste au niveau de la coupe, mais avec un érable du Japon cela pourra être 1, 2 voir 3 centimètres en amont de la coupe.
Lorsque vous taillez, faites une coupe perpendiculaire à la branche, ne cherchez pas à creuser. Le bois va sécher au dessus des derniers bourgeons. Une fois que vous aurez sélectionné les rameaux que vous souhaitez conserver, et qu’ils se seront développés, alors vous pourrez creuser la coupe, enlever toute la partie sèches revenir au bois vivant et travailler la cicatrise pour qu’elle se referme.
Comment cicatriser une grosse coupe ?
Un des problèmes posés par le clip and grow, est que cette technique va laisser de grosses coupes, surtout lorsque vous voulez former un gros tronc. Si une coupe de 1 centimètre de diamètre va facilement se refermer, c’est autre chose quand elle fait 3 ou 5 centimètres.
L’utilisation d’un mastic fait toujours débat au sein de la communauté bonsai. Nous l’utilisons, principalement pour éviter un dessèchement trop rapide au niveau de la coupe, et éviter un retrait de sève trop important.
Au bout de quelques semaines, vous allez voir apparaitre un bourrelet cicatriciel autour de la coupe. De nouveaux tissus vont progressivement être créés afin de recouvrir l’endroit que vous avez taillé.
Sauf que, lorsque la coupe est trop grosse, ce bourrelet ne va plus évoluer. Il est alors nécessaire de le stimuler à nouveau pour qu’il continue de fermer la plaie.
Pour cela, au printemps, rognez légèrement le bourré avec un cutter ou un scalpel, sur environ 1 millimètre tout autour de l’intérieur du bourrelet. La cicatrisation va alors reprendre.
Notez également que plus vous laissez un bonsai pousser librement, plus il va développer de feuillage, plus le flux de sève sera important et plus rapide se fera la cicatrisation.
Vous avez également la possibilité de traiter la coupe en bois mort, par exemple en faisant un jin ou un shari. Mais cette technique est quand même réservée aux conifères dont le bois mort résiste au temps.
Certains feuillus, tels que les oliviers ou les buis, on un bois très dur qui résiste bien aux intempéries. Vous pourrez faire du bois mort, et c’est même la seule option valable car ces essences cicatrisent très mal (voir pas du tout).
Par contre, sur la majorité des feuillus, notamment ceux avec un bois tendre, le shari ne va pas tenir des années et vous allez obtenir un tronc creux.
Peut-on utiliser le clip and grow sur seulement une partie d’un bonsai ?
Prenons le cas d’un bonsai qui a déjà une mise en forme, mais la branche la plus basse, qui devrait être la plus grosse, est plus fine que celles au dessus. Le cas extrême est lorsque vous décidez de créer une nouvelle branche à partir d’un bourgeon, car une branche à cet endroit améliorerait l’esthétique et comblerait un trou.
Si vous laissez pousser tout l’arbre sans le tailler, toutes les branches vont grossir (et même principalement la tête, à cause de la dominance apicale). Or, ce que vous voulez c’est ne faire grossir qu’une seule branche.
La solution est alors de tailler régulièrement votre bonsai, sauf la partie que vous souhaitez faire grossir. Les parties taillées vont conserver le même diamètre, celles qui poussent librement vont devenir plus fortes.
En quelques années, il est ainsi possible de former une nouvelle branche au diamètre souhaité !
Peut-on utiliser le clip and grow sur tous les arbres ?
Le principe de base de cette technique est de laisser pousser, tailler très court et ensuite repartir sur les nouvelles pousses. Mais pour cela, il faut que l’arbre rebourgeonne en arrière. Or, ce n’est pas le cas de toutes les essences.
Généralement, les feuillus vont naturellement émettre de nombreux bourgeons arrière lorsqu’ils sont taillés, mais pour la plupart des conifères ce ne sera pas le cas. Si vous taillez une branche de pin en bonsai, sans laisser de végétation, la branche va sécher et mourrir. C’est la même chose pour les genévriers en bonsai.
Il existe cependant quelques conifères qui ont la capacité à ébourgeonner sur le bois nu, par exemple les ifs, mais c’est certainement l’exception qui confirme la règle.
C’est pour cela que le clip and grow sera beaucoup plus utilisé pour former un feuillu en bonsai. Pour un pin, vous devrez faire un peu différemment. Vous pouvez laisser pousser une branche pour la faire grossir, mais conservez toujours une petite branche arrière qui pourra prendre la relève. Vous pourrez alors tailler au dessus de cette petite branche ; le flux de sève sera conservé et elle prendra alors plus de force pour prendre le relai.
Est-ce que le clip and grow remplace la ligature ?
La pose de ligature permet de placer les branches d’un bonsai dans la position souhaitée par rapport à l’esthétique recherchée. Ce n’est donc pas une technique de création d’un bonsai, mais une technique de mise en forme.
Le clip and grow, en sélectionnant les rameaux qui serviront à créer les nouvelles branches ou la continuité du tronc, est également une technique de mise en forme, mais qui a certaines limites. La pousse ne va pas forcément aller dans la direction exacte que vous souhaitez.
Il est possible de créer un bonsai uniquement par la taille, mais c’est une technique qui est plutôt adaptée aux feuillus, avec une mise en forme un peu plus libre.
Sur un conifère, si vous souhaitez avoir des plateaux bien délimités, comme vous pouvez le voir dans les catalogues des grandes expositions japonaises, il faudra nécessairement passer par la ligature.
Les deux techniques ne doivent pas être mises en opposition, mais sont plutôt complémentaires.