Pourquoi et comment tailler un bonsaï ?

Tailler un bonsaï est l’une des étapes les plus importantes, aussi bien pour dans un but esthétique (créer une belle forme) mais également pour assurer une bonne croissance. Pourtant, l’amateur débutant se sent souvent désemparé avec sa paire de ciseaux dans les mains, car il y a plusieurs types de tailles qui se font à des périodes différentes et correspondent à des objectifs précis. Nous allons donc voir en détail comment bien tailler un bonsaï, et surtout pourquoi et quel est le but recherché.

Pourquoi tailler un bonsaï ?

On pourrait penser qu’il s’agit de conserver la forme du bonsaï, en coupant les pousses de l’année qui dépassent du profil de l’arbre. Ce n’est pourtant pas aussi simple, et pour bien apprendre à tailler, il faut comprendre quel est le but, ou plutôt les buts de la taille.

1. Eliminer les défauts structurels

Un bonsaï doit obéir à certains concepts esthétiques qui dépassent largement le cadre de cet article, mais il y a certaines choses qu’il faut éviter lorsque l’on définit la structure d’un bonsaï.

  • Les rameaux qui poussent vers le haut, car ils vont rapidement devenir très vigoureux, grossir fortement et former de gros tubes disgracieux ;
  • Les rameaux qui poussent vers le bas, car après s’être un peu allongés, ils vont remonter à la recherche de la lumière, formant une courbe très peu esthétique ;
  • Ne jamais conserver 2 branches qui partent du même endroit sur le tronc sinon cela va entrainer la formation d’une « boule » à cause de l’afflux de sève à cet endroit. Donc, on en taille une des deux ;
  • Les ramifications ne font toujours par paire ; un rameau se sépare en deux, qui vont ensuite se séparer en deux, etc. C’est comme cela que l’on forme de jolis plateaux. Certaines essences, telles que les érables du Japon ou bien les ormes de Chine, ont tendance à avoir de nombreux bourgeons qui partent d’un même point. Si vous les conservez, vous allez avoir une inversion de conicité. Taillez pour n’en conserver que deux (qui poussent plus ou moins à l’horizontal, en éliminant forcément ceux qui poussent vers le haut ou vers le bas) ;
  • Evitez d’avoir deux branches l’une au-dessus de l’autre, car celle du dessous recevra moins de lumière (elle sera dans l’ombre de celle au-dessus), sera moins vigoureuse, et ne deviendra jamais une belle branche.

Evidemment, cela est la théorie, surtout quand il s’agit des branches principales d’un bonsaï. Il n’est pas toujours réalisable de couper une branche mal placée s’il n’y en a pas une autre mieux placée qui peut prendre la relève.

Quand faire cette taille de structure sur un bonsaï ? A partir de la fin de l’automne, lorsque l’arbre entre dans sa période de dormance. Sur les feuillus, c’est lorsque quasiment toutes les feuilles sont tombées. Vous pouvez alors mieux voir la structure de l’arbre et des branches. N’hésitez pas à le faire tourner, regarder chaque branche principale et secondaire, et taillez de façon méthodique.

2. Améliorer la ligne et la conicité des branches

On parle souvent de la conicité du tronc, qui doit être massif à la base (au niveau du nebari) et doit progressivement devenir de plus en plus fin. Cette conicité est également importante pour chacune des branches.

Ce que l’on recherche dans un bonsaï, ce sont des branches qui sont massives au point de jonction avec le tronc, puis qui deviennent de plus en plus fines.

On recherche aussi des ondulations dans les branches, on évite les parties trop rectilignes et sans conicité qui ressemblent à des tubes, sauf pour les styles en balai (HOKIDACHI) ou droit formel (CHOKKAN).

La taille permet ainsi, année après année, de construire de jolies branches en « revenant régulièrement en arrière », c’est-à-dire en coupant une partie de la branche pour repartir sur des rameaux plus proches du tronc, avec plus de mouvement.

Même sur un bonsaï mature, qui est déjà bien formé, c’est parfois une opération nécessaire car la végétation s’est allongée, et les parties en bout de branches sont devenues trop grosses (car ce sont les plus vigoureuses). Il faut savoir tailler pour repartir sur de bonnes bases.

3. Créer des espaces vides

Un beau bonsaï n’est pas simplement une grosse boule de feuilles posée sur un tronc. La beauté est souvent dans les différents espaces vides entre les plateaux de végétation. Cela permet non seulement de mieux faire apparaitre la structure de l’arbre mais permet également à la lumière de pénétrer à l’intérieur, et de favoriser l’apparition de bourgeons au plus proche du tronc.

4. Equilibrer les forces

Certaines partie de l’arbre sont plus vigoureuses que d’autres, elles vont pousser plus vite (et parfois trop vite), il est donc nécessaire de les tailler pour que celles qui sont plus faibles puissent se développer.

La plupart des arbres ont une « tendance apicale », c’est-à-dire que la tête et le bout des branches sont plus vigoureux que ce qui se trouve plus à l’intérieur de l’arbre. Or, en bonsaï, nous voulons à la fois un arbre compact et ramifié.

En taillant pendant la période de croissance, vous allez stopper temporairement la pousse. Le temps que de nouveaux bourgeons se forment et donnent naissance à de nouveaux rameaux, les plus faibles qui avaient du mal à se développer vont devenir plus vigoureux et s’allonger.

Avoir des branches parfaitement équilibrées est quelque chose de difficile à atteindre, car c’est un peu aller contre la nature de l’arbre de vouloir toujours s’allonger pour aller à la recherche de la lumière. Cependant, des tailles régulières permettent de réduire fortement le déséquilibre qu’il peut y avoir entre les différentes parties d’un bonsaï.

Pour équilibrer les forces, il y a deux techniques :

  • Le pincement, qui consiste à couper au ciseau ou avec ses doigts (d’où le nom de pincement) le bourgeon qui vient de s’ouvrir en bout du rameau. Sa croissance va être bloquée, de nouveaux bourgeons vont se former en quelques semaines, mais ils seront plus faibles, permettront d’avoir des entre-nœuds plus courts et des feuilles plus petites. Egalement, cela laisse le temps aux autres bourgeons qui se trouvent plus à l’intérieur de l’arbre de se développer ;
  • La taille d’entretien, qui consiste à couper le rameau dès qu’il a commencé à lignifié, c’est-à-dire qu’il se transforme en bois (sa couleur est passée du vert au marron). Il faut toujours tailler en laissant deux feuilles ; il va alors se former deux bourgeons qui donneront naissance à des rameaux. A chaque taille, le nombre de rameaux est multiple par deux. C’est comme ça que l’on densifie un bonsaï. 

Le pincement ne se pratique que sur un bonsaï qui est en « phase de finition », c’est-à-dire que la structure est bien établie, que les branches sont bien ramifiées. A ce stade, ce que l’on cherche à avoir c’est cette fine ramification, avec des entre-nœuds très courts.

La taille d’entretien permet de créer la ramification, et sur des bonsaï tels que les ormes de Chine cela suffit à créer de beaux plateaux bien denses. Mais sur les érables du Japon, seul un pincement correctement réalisé permet d’avoir cette fine ramification tant recherchée.

5. Améliorer la photosynthèse

Alors que plus il y a de feuilles, plus il y a de photosynthèse, pourquoi tailler peut-il améliorer ce processus ? Cela peut paraître contradictoire.

Il faut comprendre une chose essentielle : pour que les feuilles puissent faire la photosynthèse, il faut qu’elles soient à la lumière. Or, quand le bonsaï va se mettre à pousser au printemps, il va développer de nouveaux rameaux et de nouvelles feuilles, surtout sur les parties les plus vigoureuses (au sommet et en bout de branche).

Les parties qui se trouvent plus à l’intérieur de l’arbre vont se retrouver à l’ombre. Même en taillant les longues pousses qui dépassent du profil du bonsaï, il peut y avoir tellement de feuillage que l’intérieur se trouve complètement à l’ombre. Les feuilles qui s’y trouvent ne pourront plus faire de photosynthèse, elles vont jaunir et tomber, le rameau va sécher.

Il est important de conserver certaines petites branches qui se trouvent proches du tronc, car elles permettent de créer de jolis plateaux. Il faut donc qu’elles reçoivent de la lumière.

Pour cela, nous pouvons tailler les feuilles. Poussée à l’extrême, cette technique est appelée « défoliation » car toutes les feuilles sont coupées pour forcer le bonsaï à faire un nouveau printemps, avec des feuilles plus petites.

La défoliation totale est quand même un peu traumatisante pour un bonsaï, et elle ne doit être pratiquée que sur un arbre en pleine santé. En pratique, nous conseillons plutôt une défoliation partielle, qui est beaucoup plus douce et donne des résultats comparables.

Sur les érables du Japon, conservez une feuille sur deux sur les parties les plus vigoureuses. Sur les arbres sont les feuilles restent un peu grosses (par exemple les hêtres), vous pouvez également couper les feuilles en deux.

Le but est de réduire la surface foliaire, et ainsi permettre à la lumière de mieux pénétrer à l’intérieur de l’arbre afin que les feuilles qui s’y trouvent puissent faire la photosynthèse, se développer et permettre aux petites branches de s’allonger.

Pourquoi ne pas tailler un bonsaï ?

Savoir mettre en pratique les différentes tailles tout au long de l’année est un concept fondamental que tout amateur devrait maitriser. En revanche, il y a aussi des situations dans lesquelles il faut savoir laisser sa paire de ciseaux de côté.

1. Votre bonsaï est faible

Peut-être qu’il a été malade, qu’il a subit une attaque de parasites, qu’il a eu un problème d’arrosage, qu’au rempotage vous avez coupé beaucoup de racines, ou tout simplement vous avez l’impression qu’il ne pousse pas de façon vigoureuse. Comment le savoir ? Sur un pin, vous devez avoir des aiguilles bien rigides qui piquent au bout. Sur les feuillus vous devez avoir dès le printemps des tiges qui filent du profil de l’arbre.

On ne taille jamais un arbre faible. Pourquoi ? Parce qu’il tire son énergie de la photosynthèse, donc si vous lui supprimez des feuilles, vous supprimez ces « panneaux solaires » qui produisent l’énergie nécessaire à la formation de nouveaux tissus.

Plus de photosynthèse c’est aussi plus de circulation de la sève dans les vaisseaux du xylème et du phloème, entre les racines et les feuilles. Cela stimule donc la création de nouvelles racines

2. Une branche n’est pas assez grosse

Ce que l’on recherche à avoir sur un bonsaï, ce sont des grosses branches sur le bas, et plus on monte vers l’apex, plus les branches deviennent fines. C’est ce qui donne l’apparence d’un vieil arbre.

De même, chaque branche doit avoir de la conicité, c’est à dire que la jonction avec le tronc doit être l’endroit le plus gros, et plus vous allez vers le bout, plus la branche devient fine.

Or, sur un arbre en formation, il peut y avoir un déséquilibre. Vous pouvez avoir une branche basse qui est plus fine que celles au-dessus. Il faut donc la faire grossir, et pour cela il faut la laisser pousser. Car, lorsque vous taillez une branche, vous limitez sa croissance.

En ne taillant rien sur cette branche, vous allez voir se développer beaucoup de rameaux, beaucoup de feuilles, et plus il y a de feuilles, plus la branche va grossir. C’est aussi simple que cela.

Cette technique fonctionne également si vous voulez faire grossir le tronc, dans ce cas vous devez laisser pousser l’arbre librement, surtout au niveau de la tête. Vous pouvez alors avoir une tige apicale qui peut faire plus d’un mètre de haut, et vous verrez que le tronc se mettra à grossir. Cela fonctionne encore mieux si le bonsaï est dans un pot surdimensionné, dans lequel les racines vont pouvoir se développer.

Si vous voulez uniquement faire grossir une seule branche, vous pouvez continuer à tailler le reste du bonsai, afin que les grosses branches ne grossissent pas.

Combien de temps faut-il conserver ces « tire-sève » ? Vous pouvez laisser filer deux ans, et si le diamètre voulu n’est pas encore atteint, alors taillez quand même, et laissez pousser sans tailler l’année suivante. Si vous attendez trop longtemps, vous aurez une grosse cicatrice à refermer (au niveau de la coupe).

Lorsque vous rabattez ce tire sève, vous pouvez repartir sur une pousse proche du tronc, mais ne coupez pas au niveau du profil de l’arbre. En effet, nous voulons du mouvement sur la branche, en taillant trop loin du tronc vous risquez d’avoir une partie très droite qui ne sera pas très esthétique.

3. Vous voulez refermer une cicatrice

Lorsque l’on coupe complètement une branche, ou que l’on raccourcit une branche (par exemple lorsqu’elle a poussé librement pour la faire grossir), on se retrouve avec une grosse cicatrice. Sur un conifère, il est toujours possible de créer du bois mort pour rendre cette coupe moins artificielle. Mais sur un feuillu, il faut absolument essayer de la refermer.

Une bonne technique pour fermer une grosse cicatrice est de laisser filer un rameau au niveau de la coupe. Souvent, vous verrez que là où vous avez coupé, plusieurs bourgeons vont apparaitre. Choisissez-en un pur créer la continuité de la branche, et laissez pousser librement un autre afin de créer un afflux de sève important à cet endroit, et vous verrez que la coupe va se refermer plus rapidement.

Si la cicatrice est vraiment grosse, il faudra peut-être faire l’opération en plusieurs fois. En effet, le tire sève que vous allez laisser pousser peut devenir lui aussi très gros, et en le coupant vous allez créer une nouvelle cicatrice. Pour éviter cela, taillez chaque hiver ce tire sève en laissant un centimètre de bois. De nouveaux bourgeons vont apparaitre, que vous allez laisser pousser l’année suivante.

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