Le bonsaï est-il un art ?

Le bonsaï est un arbre cultivé dans un pot, en appliquant des techniques horticoles dans un certain cadre esthétique. Issue d’une longue tradition chinoise, et popularisée par les japonais, l'objectif principal de la culture d'un bonsaï est de créer une représentation de la nature. Mais est-ce pour autant un art, et qu’est-ce qui différencie cette pratique des arts traditionnels ?

Qu’est-ce que l’art ?

L'art, dans son sens le plus large, est une forme de communication. L’artiste, par l’utilisation de matériaux et de techniques, essaye de faire naître des sentiments chez les spectateurs. Pour d’autres, l’art est quelque chose qui est né de l’imagination, lorsque la créativité prend une forme tangible afin de créer quelque chose qui va titiller nos sens.

En d’autres termes, le but de l’art est de créer une émotion chez le spectateur.

Mais qu’en est-il de l’art du bonsaï ? Peut-on vraiment le comparer avec la sculpture, la peinture ou encore l’architecture ? Pas vraiment.

C'est un genre nouveau qui n’a d'équivalent que dans l'art des jardins japonais. Et c’est normal, car la plupart des techniques de formation et des concepts esthétiques du bonsaï sont directement hérités de la conception des jardins japonais.

L’art du bonsaï, c’est une interprétation de la nature dans ce qu’elle a de plus belle. C’est aussi une relation intime entre l’homme et la nature, un moyen de se reconnecter à ce qui nous entoure et nous rappeler ces images fugaces de paysages qui nous ont marqués.

C’est aussi un art qui a ses caractéristiques propres, tout simplement parce que l’œuvre est un être vivant. Et c’est certainement cela qui change tout.

Présentation de bonsai au Japon

Un bonsaï évolue dans le temps

Un des concepts les plus importants à comprendre lorsque l’on fait du bonsaï, c’est que l’œuvre n’est jamais terminée. Ce n’est pas comme une sculpture ou une peinture, qui vont rester immuables une fois que l’artiste aura mis le dernier coup de ciseau ou de pinceau.

Un bonsaï va continuer à changer, à évoluer. Chaque année, de nouveaux bougeons vont éclore, de nouveaux rameaux vont s’allonger, de nouvelles branches vont se créer. On ne travaille pas quelque chose d’inerte, mais un être vivant.

Celui qui s’occupe correctement de son bonsaï, devra appliquer les bonnes techniques et les bons soins, aux bons moments de l’année afin de canaliser cette pousse, et de la rendre cohérente avec une vision esthétique.

La vie d’un bonsaï n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Comme celle d’un Homme, elle est parfois semée d’embuches, d’accidents, et de changements drastiques. Lorsque l’arbre a bien évolué, de nouvelles perspectives esthétiques deviennent possible sous l’impulsion d’artistes successifs qui l’observent avec un regard différent.

C’est souvent ce qui se passe lorsqu’un bonsaï change de propriétaire. Ce regard neuf permet souvent de révéler une face avant légèrement différente, ou bien une orientation dans le pot qui mettra en évidence de plus beaux mouvements.

Cela nécessite une nouvelle mise en forme, parfois en coupant certaines branches qui sont maintenant devenues inutiles, car les autres se sont développées et peuvent prendre le relais. Un nouveau cycle démarre alors, et c’est une nouvelle vie de bonsaï qui commence.

Le bonsaï est donc une œuvre sans fin, et sa forme n’est jamais figée dans le temps. C’est un des concepts les plus importants à comprendre en bonsaï.

La créativité de l’artiste bonsaï est limitée par ce que l’arbre permet

Lorsqu’un sculpteur commence à tailler une pierre brute, il peut laisser libre cours à son imagination et créer l’œuvre qu’il souhaite. Lorsqu’un peintre met les premiers coups de pinceaux sur une toile blanche, il peut complètement décider de l’image qu’il veut créer. Mais ce n’est pas le cas avec un bonsaï.

Comme c’est un être vivant, il ne va pas forcément pousser comme l’artiste l’avait prévu. Le rôle du bonsaïka se résume finalement à être celui d’un guide, celui qui va donner une direction, une orientation à suivre. Mais c’est toujours l’arbre qui décide, et il faut faire avec.

La créativité n’est donc pas maximale. On ne peut pas faire n’importe quoi avec n’importe quel arbre. Former une cascade avec un tronc raide comme un piquet n’est pas impossible, mais c’est aller contre le bon sens, c’est aller contre la nature, c’est ne pas respecter l’arbre.

Parfois, sur le long chemin qui mène à la transformation d’un arbre un bonsaï, il arrive que l’idée de mise en forme originale soit abandonnée au profit d’une autre plus réaliste.

C’est finalement comme éduquer un enfant. Le rôle des parents, n’est-il pas, tout au plus, de guider un enfant vers une voie qui lui correspond plutôt que de le contraindre à devenir celui qu’il n’est pas ?

Pins noirs en Bonsai au Japon

Qui est le véritable artiste ?

Une des choses les plus compliquées, quand on travaille et entretient un bonsaï, c’est que les effets ne sont pas visibles tout de suite. Cela peut prendre des semaines, des mois, voire des années.

Le bonsaï n’est pas un art immédiat, il ne suffit pas de plier fortement le tronc d’un arbre, le recouvrir de fils et le mettre dans une poterie plate pour en faire un bonsaï. Certes, c’est sensationnel, c’est spectaculaire, et cela flatte l’ego du démonstrateur. Mais ce n’est pas un bonsaï, c’est juste le début du chemin (s’il arrive à survivre à cette mise en forme).

Ce qui transforme un arbre but en bonsaï, c’est l’application des bonnes techniques, pendant des années, des décennies. C’est ce qui va donner de jolies structures de branches, une base racinaire qui s’étale au niveau du sol, et une dense ramification.

Le temps s’écoule, les saisons passent, et apparaît alors cette patine inimitable. L’écorce des pins se craquelle, celle des érables devient grisâtre et lisse. Les cicatrices des branches coupées se referment. Le bois mort se fendille, tel celui de ces vieux arbres de montagne qui luttent pour survivre dans un milieu hostile. Toutes les traces de l’intervention de l’Homme disparaissent, le bonsaï semble avoir toujours été ainsi.

Si une œuvre d’art émerge d’un arbre, ce n’est pas parce que l’artiste a plié des branches et sculpté des bois morts. C’est plutôt parce que l’artiste s’est appliqué à entretenir son arbre jour après jour, avec les bonnes techniques.

Le rôle de la Nature est tellement primordial que l’on peut vraiment se demander si ce n’est pas elle la véritable artiste. Quand l’Homme essaye d’imiter la nature par des pliages, des ligatures et des créations de bois morts, le résultat n’est jamais convainquant, tout est trop artificiel.

Jamais l’Homme ne pourra recréer les formes de ces genévriers contorsionnés qui tentent péniblement de survivre sur les parois rocheuses. Jamais l’Homme ne pourra créer des bois façonnés par des années de froid, de pluie et de soleil.

Les paysages naturels sont l’inspiration directe du bonsaïka, mais il ne recherche pas forcément à imiter la nature. Car c’est impossible. Tout au plus, il peut s’inspirer de ce qu’elle a de plus belle.

L’art du bonsaï c’est finalement retrouver l’essence même de la nature, et créer une oeuvre inspirante avec un minimum d’éléments.

Le bonsaï n’est pas créé par l’Homme, le bonsaï, c’est plutôt modeler la nature pour créer quelque chose de magnifique.

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