fr Français fr

Comment tailler un érable du Japon ?

Nous adorons les érables du Japon, et ce sont certainement les arbres que nous préférons en bonsaï car ils sont magnifiques tout au long de l’année, et trouvent leur place dans les collections des débutants comme des amateurs confirmés. Pourtant, nous remarquons aussi que nombreux sont ceux qui se trouvent un peu désemparés en les voyant pousser, ne sachant trop s’il faut tailler ou pas.

Savoir tailler est une compétence essentielle pour un bonsaika. Il s’agit pourtant bien plus que de donner quelques coups de ciseaux. Car on ne taille pas un bonsaï comme on taille une haie. Il s’agit de mettre en pratique un ensemble de techniques bien spécifiques, à certaines périodes de l’année, et afin d’obtenir un objectif bien précis.

En d’autres termes, il faut savoir quand tailler, quoi tailler, et pourquoi.

Nous avons déjà écrit un guide complet sur l’érable du Japon en bonsaï, mais dans celui-ci nous allons nous concentrer précisément sur la taille.

L’article que vous êtes en train de lire sera assez technique. Les débutants trouveront peut-être cela un brin compliqué. Alors dans le but de rendre le texte plus compréhensible, nous avons choisi d’aborder les différentes tailles sous une forme chronologique. Nous allons prendre la vie d’un érable du Japon sur une année, et vous expliquer ce que vous devez faire, comment le faire, et surtout pourquoi.

Nous vous conseillons également de lire « Pourquoi et comment tailler un bonsaï » qui est un bon complément de cet article.

La sélection des bourgeons

Nous commençons notre aventure au début du printemps. Même si les gelées sont encore là, vous commencez à voir les bourgeons de votre érable du Japon qui commencent à gonfler, à prendre une couleur plus rouge.

Vous voyez également des tas de bourgeons sur le tronc et sur les branches. La plupart des bonsaikas les laissent. Ce n’est pas préjudiciable pour l’arbre, mais lorsque l’on veut faire un travail de qualité, la première technique que vous allez mettre en application est la sélection des bourgeons.

Sélection des bourgeons sur un érable du Japon

En japonais, on appelle cela MEKAKI ( ME=bourgeon, 掻き KAKI=gratter), donc c’est littéralement « gratter les bourgeons ».

Les érables du Japon rebourgeonnent très facilement en arrière, parfois même trop facilement. Chaque bourgeon peut donner naissance à un rameau et une branche. Mais est-ce que cette branche sera utile pour la formation de votre bonsaï ? A-t-elle un intérêt esthétique ?

Si beaucoup de ces bourgeons sont inutiles, pourquoi les conserver ? Si vous les laissez, vous devrez ensuite tailler ces rameaux et petites branches qui ne servent à rien. Alors profitez plutôt d’avoir votre érable complètement nu pour enlever tout ce qui ne servira pas.

Pour faire un MEKAKI, il suffit de gratter légèrement le bourgeon avec le doigt, il va alors se casser et tomber.

Pour travailler proprement et conserver la surface du substrat bien propre, pensez à mettre un tissu au-dessus du pot. Tous les bourgeons tomberont dessus et vous les ramasserez tous sans devoir les chercher à la pince à épiler au milieu des grains de substrat.

Quand faire le MEKAKI ? A la fin de l’hiver, avant que les bourgeons ne s’ouvrent.

Le pincement des érables du Japon

Les érables sont des arbres très vigoureux, ce sont même parfois de véritables bombes qui démarrent très rapidement dès que le printemps arrive. Une des difficultés (pour ne pas dire la principale difficulté) est d’arriver à maitriser cette fougue printanière.

Regardez les beaux érables du Japon dans les grandes expositions, ils ont généralement de jolis mouvements, des branches qui ondulent de façon gracieuse, et surtout une fine ramification. C’est cette dernière qui est la plus difficile à obtenir. Pourquoi ? Parce qu’il faut avoir des entre-nœuds très courts.

Un entre-nœud, c’est la distance qui sépare deux paires de bourgeons. Et comme au débourrement printanier, l’érable ne demande qu’à pousser aussi vite qu’il peut, il a tendance à créer de longs entre-nœuds. Et si en plus la météo est pluvieuse, ils vont être encore plus longs.

Et ce qui est le plus important, c’est la longueur du premier entre-nœud, car comme nous allons le voir à l’étape suivante, nous n’allons conserver que la première paire de feuilles, et tailler au-dessus du premier entre-nœud.

Donc, si vous vous retrouvez avec une première pousse de l’année qui est trop vigoureuse, avec un premier entre-nœud trop long, vous n’aurez d’autre choix que de couper complètement cette première pousse de l’année.

Alors, comment faire en sorte de maitriser la longueur de ce premier entre-nœud ? En faisant un pincement. En japonais, on appelle cela le METSUMI ( ME=bourgeon, 摘ま TSUMI=pincer).

La technique du METSUMI consiste à venir couper juste au-dessus de la première paire de feuilles lorsqu’elle sort juste du bourgeon. Vous pouvez faire cela avec vos doigts (d’où le nom de pincement) ou bien avec une paire de ciseaux ou une pince à épiler.

Pincement du bourgeon des érables du japon

Que se passe-t-il après le pincement ? Le bout de la pousse a été coupé, ce qui va bloquer complètement sa croissance. L’entre-nœud ne va quasiment plus s’allonger. Donc plus tôt vous pincez, plus vous aurez un entre-nœud court.

Cela va également stimuler des bourgeons arrières qui ne se seraient peut-être pas ouverts du tout, ou bien n’auraient donné que des pousses faibles. Le pincement permet donc d’équilibrer les forces et mieux répartir la croissance d’une branche.

La difficulté est que tous les bourgeons ne s’ouvrent pas en même temps. Le pincement va s’étaler sur plusieurs jours. Il faut même parfois y passer deux fois par jour, surtout que vous allez forcément en rater quelques-uns !

Faut-il forcément pincer tous les érables du Japon ? C’est une technique qui est réservée aux bonsaï qui sont dans une phase d’affinement de la ramification. Le but du pincement n’est pas de ramifier, ni de provoquer un bourgeonnement arrière. Le but du pincement est uniquement de contrôler la vigueur printanière.

Donc, si vous avez un bonsaï qui est déjà bien avancé dans sa formation mais sur lequel vous désirez encore créer de la ramification arrière, ne pincez pas. Encore une fois, c’est une technique qui doit être réservée aux bonsaï les plus matures dans leur formation.

Faut-il pincer tous les bourgeons ? Le plus important, c’est de bien appliquer la technique sur les premières pousses, car c’est celles-là qui sont les plus vigoureuses et que vous devez contrôler. Au bout de quelques jours, votre érable sera recouvert de feuilles et il sera difficile de voir les bourgeons. Vous pouvez en rester là, car ceux qui vont s’ouvrir ensuite seront plus faibles et poseront moins de problèmes.

Il faut également comprendre une chose essentielle : on ne pince jamais une branche ou un rameau que vous voulez faire grossir ou allonger. En effet, le pincement va bloquer la croissance. Si la longueur ou le diamètre désiré n’a pas été atteint, ne faites pas le METSUMI sur cette partie afin de la laisser pousser. Suivant le stade de formation de votre bonsaï, cette technique peut donc s’appliquer sur une partie et pas sur d’autres.

La taille d’entretien des érables du Japon

Nous voici arrivés à la fin du printemps, votre érable du Japon est recouvert de feuilles qui ont perdues leur couleur rougeâtre pour virer au vert. Les tiges s’allongent, c’est le bon moment pour affuter votre paire de ciseaux. Mais faut-il simplement couper tout ce qui dépasse du profil de l’arbre ? Non, l’art du bonsaï n’est pas l’art du topiaire.

La technique du MEKIRI ( ME=bourgeon, 切り KIRI=couper) consiste à couper un rameau lorsqu’il a commencé à lignifier. C’est-à-dire qu’il se transforme progressivement en bois ; il perd sa couleur verte tendre, et vire légèrement au marron tout en devenant plus dur. Généralement, le rameau a fait cinq à sept paires de feuilles.

Pourquoi tailler précisément à ce moment ? Parce que lorsque le rameau est vert, il consomme des ressources de l’arbre pour pousser et former des feuilles. Au contraire, la partie qui se transforme en bois commence à accumuler de l’énergie.

Le principe du MEKIRI est donc de tailler quand la pousse commence à emmagasiner de l’énergie, et utiliser cette énergie pour ramifier et provoquer l'apparition de bourgeons en arrière

Où faut-il tailler ? Pour former une belle ramification et des jolies branches, nous cherchons à éviter les parties trop rectilignes et préférons créer un léger mouvement. Pour cela, il faut couper juste au-dessus de la première paire de feuilles. D’où l’intérêt d’avoir un premier entre-nœud court. Ne taillez pas trop près pour ne pas abimer les bourgeons latents, laissez un demi centimètre.

Mekiri, ou taille d'entretien sur un érable du Japon en bonsai

Là où vous avez taillé, des bourgeons vont apparaitre au niveau de la paire de feuilles, et donner naissance à deux nouveaux rameaux.

Le MEKIRI provoque également un bourgeonnement arrière, sur les branches et même sur le tronc. Et c’est justement ce que nous recherchons en bonsaï : avoir une végétation compacte et proche du tronc.

Une erreur souvent commise par les débutants, est de tailler leur érable du Japon en une seule fois. C’est-à-dire que lorsque de longues tiges dépassent du profil de l’arbre, toutes les pousses sont raccourcies à une paire de feuilles, celles qui sont lignifiées, comme celles qui ne le sont pas. 

Or, pour que le MEKIRI fasse correctement son effet, il faut tailler sur une partie lignifiée. Il ne faut donc pas considérer le MEKIRI comme une opération à faire en une seule fois, mais une technique que vous devez appliquer pendant toute la saison de pousse, au fur et à mesure que les nouveaux rameaux s’allongent.

Cela veut également dire que si votre bonsaï est vigoureux, vous allez tailler une première fois au début de l’été, ce qui va donner naissance à de nouveaux rameaux, que vous allez à nouveau tailler lorsqu’ils seront lignifiés.

Et comme pour le pincement, si vous voulez allonger ou faire grossir une branche, ne la taillez pas. Car plus il y a de feuilles, plus il y a de l’énergie qui circule et c’est quand elle commence à lignifier qu’elle va grossir.

La taille des feuilles

Nous sommes maintenant au début de l’été, votre érable du Japon en bonsai est recouvert de feuilles, parfois grosses, et la canopée a tendance à ressembler à un gros casque posé sur un tronc. Et ce n’est pas optimal pour l’arbre. Pourquoi ? Parce que la lumière ne pénètre plus à l’intérieur.

Nous voulons que les branches se ramifient au plus près du tronc. Si elles se retrouvent à l’ombre, que les feuilles ne reçoivent pas assez de lumière, la photosynthèse ne pourra pas se faire. Les feuilles vont commencer à jaunir, tomber, et la petite branche peut complètement sécher.

Le MEKIRI est une formidable technique pour faire bourgeonner en arrière, mais des bourgeons ne vont apparaitre que sur les parties qui reçoivent de la lumière. A l’ombre des grosses feuilles, pas de soleil direct, donc pas de nouveaux bourgeons.

Le risque, si vous ne faites rien, est d’avoir de longues branches avec uniquement de la ramification est des feuilles au bout. Alors comment éviter cela ? En coupant des feuilles.

En japonais, on appelle cela le HAGARI ( HA=feuille, 刈り GARI=couper), et cela consiste à supprimer une feuille sur deux. Si les feuilles sont vraiment trop grosses, vous pouvez également les couper en deux. Vous ne touchez pas les feuilles des rameaux les plus faibles.

Défoliation des érables du Japon en bonsai

Le but est ainsi de permettre à la lumière de pénétrer à l’intérieur de l’arbre, d’atteindre les branches qui sont plus faibles et ont du mal à se développer.

Dans sa version la plus extrême, le HAGARI consiste à supprimer toutes les feuilles. On appelle alors cela une défoliation. Nous ne recommandons pas de faire cela, car c’est une opération qui peut être traumatisante pour le bonsaï.

En effet, cela l’oblige à « refaire une nouveau printemps », tout en lui supprimant son principal moyen de fournir de l’énergie : les feuilles, qui sont comme des panneaux photovoltaïques.

En défoliant complètement un érable du Japon, on l’oblige à puiser dans ses réserves pour bourgeonner et fabriquer de nouvelles feuilles. Elles seront plus petites, et c’est pour cela que certains bonsaikas font une défoliation complète. Mais si elles sont plus petites c’est que vous avez affaiblit votre bonsaï, et ce n’est jamais une bonne chose.

Vous pouvez également combiner le MEKIRI avec le HAGARI. C’est-à-dire que lorsque vous raccourcissez le rameau à la première paire de feuilles, si elles sont trop grosses vous pouvez n’en garder qu’une et même couper celle restante en deux afin de diminuer la surface foliaire.

En supprimant des feuilles ou en réduisant sa surface, vous diminuez la capacité à faire de la photosynthèse sans la supprimer complètement. Il y aura donc moins d’énergie au niveau des bourgeons, ce qui donnera des entre-nœuds plus courts et des feuilles plus petites. C’est donc une technique plus douce qu’une défoliation complète.

La taille de structure d’un érable du Japon

Vous avez appliqué les techniques précédentes tout au long de la saison de pousse, et nous voilà arrivés à l’automne. A partir du mois de septembre, nous conseillons de ne plus tailler votre érable du japon. Laissez-le pousser librement car il va ainsi créer ses réserves pour le printemps suivant.

Et profitez des belles couleurs qui vont progressivement arriver, et qui sont un atout des érables ! Nous vous rappelons aussi que pour qu’un érable face de belles couleurs en automne, il faut qu’il soit mis au soleil. Il y a donc un juste milieu à trouver, entre protection solaire pour ne pas que les feuilles grilles, et un minium de soleil pour avoir de belles couleurs.

Nous arrivons ainsi à l’hiver, toutes les feuilles sont tombées, et vous pouvez apprécier la ramification et le travail que vous avez accompli pendant cette année. C’est le moment de se poser tranquillement, d’observer, et de parfaire la structure du bonsaï.

Le but est d’éliminer les problèmes structurels, de parfaire la ramification qui s’est développée, et qui est peut-être devenue un véritable fouillis.

Commencez déjà par tailler tout ce qui ne va pas, tous les défauts évidents :

  • Les petites branches qui poussent vers le haut : si vous les laissez, elles vont grossir très vite et devenir des sortes de « tubes » peu esthétiques ;
  • Les petites branches qui poussent vers le bas, car elles vont ensuite remonter pour chercher la lumière, formant une courbe disgracieuse ;
  • Les petites branches qui ne sont pas utiles à la structure du bonsai, par exemple celles qui ont commencé à se développer directement sur le tronc, ou bien sur les grosses branches.

Taille de structure sur un érable du Japon

Une fois ce travail réalisé, cherchez à améliorer la forme et la conicité des branches. Sur un érable du Japon, on ne veut pas de parties trop droites, qui ressemblent à des tubes. Au contraire, ce que l’on recherche à avoir, c’est un léger mouvement et des branches qui deviennent de plus en plus fines lorsque l’on se rapproche du profil de l’arbre.

Une erreur souvent commise, est de ne tailler que ce qui dépasse du profil de l’arbre. Non, le bonsaï ce n’est pas du topiaire. Il ne faut pas hésiter à plonger au cœur des branches et sélectionner les parties les plus belles.

Lorsque vous remarquez qu’une branche a une portion trop droite, sans conicité, regardez en amont si une autre pourrait prendre le relais. Si c’est le cas, alors coupez juste après. Il ne faut pas hésiter à sacrifier une partie de branche au profit d’une autre qui deviendra plus belles dans quelques années.

Améliorer la conicité des branches sur un érable du Japon

De même, les érables du Japon ont une forte dominance apicale, c’est-à-dire qu’ils sont très vigoureux au niveau de la tête. Si vous n’avez pas pincé ou taillé suffisamment, vous verrez que les branches du sommet sont devenues grosses, plus grosses que celles en dessous. Et ce n’est pas bon.

Nous voulons que la tête ne soit formée que de fines branches. Il ne faut pas hésiter à couper celles qui sont devenues trop grosses et repartir sur des plus fines. Comme les érables poussent très vite, et que la nature a horreur du vide, il y aura rapidement des bourgeons et de nouveaux rameaux au printemps suivant.

Enfin, faites en sorte que la ramification soit toujours par paire. Une branche doit toujours se diviser en deux. S’il y a trois départs à un même endroit, supprimez-en un. Si vous ne faites pas cette sélection, il va y avoir un afflux de sève à cet endroit, ce qui provoquera une « boule » ou une inversion de conicité. Vous le regretterez un jour, donc taillez maintenant !

Pourquoi mon érable du Japon pleure ? C’est un phénomène que vous pourrez rencontrer ; vous taillez une branche et vous voyez un écoulement au niveau de la coupe. Comme si l’arbre se mettait à pleurer.

Les érables du Japon redémarrent leur activité très tôt, bien avant le débourrement. La sève commence à remonter dans les branches dès la fin décembre ou début janvier. Si vous taillez à ce moment-là, vous verrez alors des écoulements de sève. Ce n’est pas très grave, et cet écoulement va s’arrêter assez vite. Pour éviter de faire pleurer vos érables, faites vos tailles au début de l’hiver et évitez de les faire après le mois de décembre.

Conclusion

Après un an de taille dans la vie d’un érable du Japon, vous voyez qu’il y a de quoi s’occuper lorsque l’on veut former un bonsaï de grande qualité. C’est également un ensemble de travaux à effectuer régulièrement. On ne forme par un bel arbre en lui mettant simplement deux coups de ciseaux par an.

Le bonsaï n’est pas un art immédiat, c’est une école de patience. Ce qui fait qu’un bonsaï émerge d’un arbre, ce n’est pas plier des branches et poser des kilomètres de ligatures, mais c’est l’application des bonnes techniques, au bon moment, pendant des années.

Comment sont formés ces magnifiques bonsaï que vous voyez dans les catalogues des grandes expositions japonaises ? Tout simplement en appliquant ces techniques de taille et de densification, pendant 20, 30, voir 50 ans.

Cela vous donne le vertige ? Cela vous semble irréalisable ? C’est normal, nous n’avons pas la même culture ni la même relation avec la nature que les japonais. En revanche, vous avez maintenant toutes les clés en main pour améliorer vos érables.

Et si vous voulez compléter votre collection, n’hésitez pas à visiter notre boutique en ligne ou à nous contacter directement.

» Voir tous nos érables en bonsaï

Partager