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Les bonsais sont-ils torturés ?

Les amoureux des plantes, des arbres et de la nature ont souvent beaucoup d’aprioris vis à vis de l’art du bonsai. Beaucoup pensent que s’ils conservent leur petite taille, ce serait à cause de véritables tortures qui leur seraient infligées tout au long des années de culture. Ce mythe a la vie dure, est dénué de tout fondement ; il est temps de briser les tabous et de faire la lumière sur ces soit-disantes maltraitantes.

Un arbre doit naturellement pousser sans contrainte ?

Nous avons tous l’image d’un arbre, tel ce chêne centenaire, trônant majestueusement au milieu d’une prairie. Donc pour beaucoup, un arbre à l’état naturel doit faire quelques dizaines de mètres de haut. Sauf que c’est la vision de quelqu’un qui habite en plaine.

Si vous vous promenez en montagne, vous verrez des arbres ou des arbustes poussant à flanc de  colline, leurs racines plongeant dans les interstices de la roche afin de puiser l’eau et les nutriments dont il a besoin. Parfois même, ils poussent dans une petite poche de terre. Ils sont là depuis des dizaines, voir des centaines d’années, en prenant des formes parfois étonnantes.

Il existe ainsi de véritables bonsais à l’état naturel, qui sont parfois prélevés pour les cultiver ensuite en pot ; c’est ce que l’on appelle le YAMADORI. Petite parenthèse, ce mot japonais est souvent faussement traduit par « la voie de la montagne », car si YAMA () signifie montagne, DORI ne signifie pas « le chemin, ou la voie », mais vient du verbe TORIMASU (採ります) qui signifie ramasser. Ainsi, le YAMADORI c’est tout simplement aller prélever en montagne des arbres que la nature a parfois mis des centaines d’années à créer.

Pour en revenir au sujet initial, un arbre ne peut pas se déplacer pour trouver de meilleures conditions. Il va devoir passer le reste de sa vie au même endroit, il n’a d’autre possibilité que de s’adapter à ce milieu. Et un arbre a une formidable capacité d’adaptation.

Magnifique pin en bonsai au Japon

Un arbre dans la nature est-il en meilleure santé qu’en pot ?

Il est facile de croire qu’un arbre de plus de 10 mètres de haut qui pousse en plaine est en parfaite santé, alors qu’un autre qui a poussé dans des conditions plus difficiles, ne fait que 50 centimètres de haut, serait continuellement entre la vie et la mort. Rien n’est moins sûr.

Un végétal sait s’adapter à son milieu, parfois en limitant sa croissance. Ce qui fait qu’un arbre est en bonne santé, ce n’est pas sa hauteur. Il s’agit plutôt de la vigueur de ses pousses, de son feuillage, s’il fleurit, fait des fruits.

Pare contre, ce qui est certain, c’est qu’un arbre en pot va demander plus de soins que s’il est en pleine nature. Il faudra l’arroser souvent, parfois tous les jours. Un excès d’eau est tout aussi préjudiciable. Subvenir à leur besoin de façon « artificielle » n’est pas pour autant de la torture.

Si dans la nature, les arbres souffrent de la sècheresse, du gel, des attaques de parasites et des maladies, le bonsaika attentif aura une surveillance constante. Entre ses mains, un bonsai pourra souvent vivre bien plus longtemps que dans la nature.

Torturez-vous les plantes dans votre jardin ?

Ceux qui n’ont pas vraiment compris l’art du bonsai font souvent la remarque que nous les taillons continuellement afin de conserver leur petite taille. C’est contre-nature, et donc une torture.

Qu’en est-il alors des haies que l’on taille au moins 2 fois par an, de façon géométrique, afin qu’elles ne deviennent pas trop imposantes ? Et tondre chaque semaine sa pelouse ?

Pour faire une jolie mise en forme, nous positionnons les branches d’un bonsai avec des fils de ligature. Et ça aussi c’est une ignoble torture.

Qu’en est-il des arbres fruitiers que l’on travaille en espalier (ou de de la vigne qui est attachée) afin que la production de fruits soit plus importante ? Lorsque la taille et la ligature des branches sont faites dans un but esthétique, c’est de la torture, mais quand il s’agit de produire plus de vin, c’est bien ?

Et que dire de tous ces enfants qui portent des appareils dentaires ? Est-ce de la torture de leur laisser des fils en acier pendant des années pour qu’ils aient de belles dents bien alignées ?

Couper des feuilles ou couper des branches, c’est un peu comme se couper les cheveux ou les ongles. Ça repousse et c'est tout.

Il y a donc un poids deux mesures dans ces arguments.

L’art du bonsai s’inspire de la nature, dans le respect des arbres

La première qualité que doit avoir un bonsaika, c’est de bien cultiver ses petits arbres en pot, comprendre comment fonctionne un arbre, son cycle de croissance. Cultiver dans un pot, c’est ainsi s’inspirer de ces arbres qui poussent dans très peu de terre, à flanc de montagne. 

Quand on aime ses bonsais, on en prend soin, on ne veut que leur bien, même si parfois, quelques techniques de mise en forme peuvent sembler déroutantes aux béotiens. Le maitre mot restera toujours « le respect de l’arbre ».

Mais, nous voyons aussi parfois certains bonsaikas qui vont un peu loin. Des branches fortement pliées (voir même creusées pour les rendre plus souples), de grosses ligatures, des tailles très sévères, dans le but de « faire le show » lors d’une démonstration et transformer un arbre en bonsai en l’espace de quelques heures. Combien d’arbres ayant subits ces mises en formes extrêmes sont encore vivant aujourd’hui ?

Il ne s’agit pas pour autant de jeter l’opprobre sur ces personnes. Ce n’est tout simplement pas notre façon de faire du bonsai. Nous préférons les techniques plus douces, une mise en forme qui s’étale sur des années. 

L’art du bonsai, ce n’est pas de la sculpture. Nous travaillons un être vivant et nous faisons tout pour le respecter.

En conclusion, la soit-disante torture des bonsais est surtout une croyance populaire, diffusée par des personnes qui n’ont pas vraiment compris ce qu’était l’art du bonsai. Et l’Homme a malheureusement toujours eu tendance à le rejeter tout ce qu’il ne comprenait pas, souvent par manque d’ouverture d’esprit.

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